Dominique Verien : « J’ai toujours cru au pouvoir de dire oui ».

Sénatrice et ex-présidente des maires ruraux de l’Yonne, Dominique Vérien porte une vision offensive du développement local : miser sur les ressources du territoire, capter les flux touristiques, révéler un tissu industriel discret mais solide. Depuis Saint-Sauveur-en-Puisaye, village de Colette, elle plaide pour une ruralité vivante, où culture, attractivité et gouvernance vont de pair.
Antoine Gavory : Quel a été le sens de votre engagement au Sénat ?
Dominique Verien : tant que maire, j’ai toujours cru au pouvoir de dire oui. Mon mandat de sénatrice est le prolongement de mon mandat de présidente des maires ruraux de l’Yonne. Je me disais que s’il y avait un lieu pour réellement défendre notre position rurale, c’était bien le Sénat, même si la ruralité y est plutôt bien représentée.
À Saint-Sauveur, vous avez développé l’économie présentielle et c’est ce modèle que vous avez voulu porter pour le département. Comment peut-on résumer ce concept ?
L’économie présentielle repose sur le développement d’un territoire à partir de ceux qui le fréquentent ou y résident. Pas forcément des gens qui y habitent, mais aussi profiter des visiteurs ou résidents temporaires. Et donc l’idée,, c’est de pouvoir capitaliser là-dessus et faire en sorte que l’on ait toujours des événements. Cela fait vivre nos cafés, nos restaurants, l’ensemble de nos commerces de bouche et puis ça donne de la vie. Et le fait qu’il y ait de la vie, ça attire et c’est une spirale vertueuse. C’est ce qu’on a mis en place à Saint Sauveur qui a plutôt bien fonctionné et l’idée que j’ai portée en tant que présidente des maires ruraux, c’était que l’Yonne puisse s’emparer un peu de cette dynamique. Et cette dynamique commence à se diffuser. Par exemple c’est ce que Pierrick Bardeau, le maire de Thorigny-sur-Oreuse est en train d’essayer de développer.
En ce moment certains élus ruraux sont vent-debout contre la réforme de scrutin dans les petites communes. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Issue d’un territoire rural, j’ai longtemps pesé les avantages et inconvénients du scrutin de liste. Le panachage donne, c’est vrai, un sentiment de liberté et si je ne devais réagir qu’en tant que salvatorienne, j’ai mémoire qu’en 2014 on avait une liste d’opposition du RN et que le panachage avait permis que l’on passe 100 % de notre liste parce qu’à Saint-Sauveur, on a toujours réagi en listes. Mais la première raison pour laquelle j’ai soutenu le scrutin de liste, c’est pour ça. Ce n’est pas tant pour la parité, étonnement, mais vraiment pour se dire que si on veut diriger une commune aujourd’hui, vu que c’est déjà complexe, il faut qu’on soit une équipe, il faut que le maire se sente soutenu… Et puis, ce qui nous a fait beaucoup de bien dans l’Yonne et dans tous les départements, c’est le changement de scrutin aux départementales, quand on a fait entrer la parité au sein du conseil départemental.
Quelle est votre vision globale pour l’économie et le tourisme dans le département de l’Yonne ? Quels sont, selon vous, ses principaux atouts et ses défis ?
Je continue de croire en son potentiel car c’est un très beau département. Un défaut majeur que j’identifie est le manque de fierté des habitants et un manque d’ambition pour le territoire. C’est terrible. Il faut continuer à y croire. On oublie souvent que l’Yonne est aussi un département industriel. Beaucoup d’entreprises locales recherchent des profils variés, ce qui contredit l’idée qu’il est difficile pour les conjoints qualifiés de trouver du travail. La proximité de Paris est également un atout insuffisamment exploité. Miser sur le tourisme peut créer de la richesse et faire fonctionner les commerces. Je pense qu’il est nécessaire de faire de la publicité pour mieux faire connaître l’Yonne. Et des personnes comme Crescent Maraut (NDLR : Maire d’Auxerre) ou Paul Antoine de Carville (NDLR : Maire de Sens) ont, je crois, l’ambition de faire avancer les choses. L’avantage du manque d’ambition passé est que la nature et le patrimoine ont été préservés, plus intacts qu’en Seine-et-Marne par exemple.
On parle souvent du machisme au parlement. Est-ce qu’il est difficile, plus qu’ailleurs d’être une femme en politique dans l’Yonne ?
Dans l’Yonne, nous avons un pourcentage de femmes maires un peu supérieur au pourcentage national. Cela s’explique en partie par le fait que, dans les petits villages qui demandent beaucoup de temps pour peu de reconnaissance, on trouve plus facilement des femmes engagées. L’Yonne a déjà eu des femmes politiques influentes, comme Marie-Louise Fort (ancienne maire de Sens) et Odette Pagani (ancienne sénatrice). Néanmoins, faire entrer une femme dans un conseil municipal reste plus compliqué qu’un homme. Il faut les chercher et les convaincre. Un certain machisme subsiste en France, notamment chez les maires les plus anciens, qui doutent de leur compétence ou disponibilité. Elles sont parfois perçues comme incompétentes ou non disponibles à cause des enfants ou des tâches domestiques. Mais l’exemple du changement de scrutin au niveau départemental, en imposant la mixité, a eu un impact très positif sur l’ambiance et la façon de travailler dans les conseils départementaux de l’Yonne.
Vous avez été maire de Saint-Sauveur, le village de Colette. A-t-elle eu une influence dans votre façon d’appréhender votre engagement et notamment dans votre délégation de présidente aux droits des femmes au Sénat ?
Pas forcément. J’ai toujours trouvé qu’elle était pionnière. Le fait d’être à Saint- Sauveur m’a permis de découvrir une autre facette d’elle, que l’autrice de La chatte ou du Blé en herbe. Elle était tout à fait autre chose, entre autres, la première reporter de guerre. La maison de Colette nous a fait un bien fou. Elle nous a permis d’avoir accès à des médias auxquels on n’avait pas accès et c’est une renommée qui rejaillit sur tout le département. Et c’est comme ça qu’on crée de la richesse. Alors, il n’y a pas que Colette mais j’ai toujours dit aux habitants de Saint Sauveur : « Je ne veux pas savoir si vous aimez Colette, je vous demande si vous aimez le pain parce que vous croyez qu’on aurait deux boulangers, des bars, des restaurants si on n’avait pas Colette ? ». Quant à Colette féministe, c’est un grand débat qu’on pourrait avoir parce que je ne crois pas qu’elle était féministe. En fait, elle était féministe à sa façon. Ceci dit, si vous me demandez si je suis féministe, je n’en sais rien. Je considère qu’il n’y a aucune raison que les femmes aient des interdits, quels qu’ils soient. On est la moitié de la population et on doit faire la même chose que l’autre moitié de la population. Par contre, si je pouvais ne serait-ce que lui arriver à la cheville, j’en serais très fière.