Cyrille Tota, un autre sens du vin

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Avec l’Étoffe des Terroirs, Cyrille Tota propose de découvrir le vin par le biais d’un autre sens, celui du toucher.

Au Salon de l’agriculture, 300 professionnels du vin ont lancé la campagne européenne VITÆVINO pour dire Oui ! à la convivialité du vin et lutter contre le wine-bashing. Une opération inspirée de de la campagne Come Over October de l’écrivaine américaine Karen MacNeil qui incitait les amis à se retrouver autour de la convivialité du vin au mois d’Octobre. Car, oui, le vin est lui aussi victime de bashing (dénigrement en anglais). Depuis 1991, la loi Évin a encadré la publicité sur les alcools et, par conséquent le vin. Si elle n’interdit pas la promotion, elle sanctionne en revanche l’incitation à la consommation, ce qui est, sommes toute l’objectif de la réclame. Il n’est donc pas interdit de faire de la publicité, mais cette publicité ne doit pas donner envie d’acheter. Il n’y a donc pas que les agriculteurs qui marchent sur la tête. Ce qu’ont voulu rappeler les acteurs de la filière c’est que le vin est avant tout un produit de partage, une relation charnelle d’autant plus forte en Bourgogne que Michel de Montaigne théorisait ainsi : « On ne boit pas, on donne un baiser et le vin vous rend une caresse ».

Le sens du toucher peut fournir des informations complémentaires sur le vin, allant au-delà des perceptions olfactives et gustatives

Entre le goût et le toucher

Et il aura fallu attendre plus de quatre siècles pour que cette théorie de Montaigne prenne enfin corps dans le palais d’un Dijonnais, Cyrille Tota, fondateur de L’Étoffe des terroirs mais surtout d’une méthode d’approche du vin innovante et qui se résume en un mot : Cyrille Tota est « tastérologue » ; il enseigne le Toucher du vin, une méthode inspirée de sa rencontre avec Jacky Rigaux, spécialisé dans la connaissance géo sensorielle des terroirs. On connaissait le goût du vin, l’odeur du vin, l’apparence du vin mais le Toucher du vin intègre une dimension tactile à la dégustation : « Le sens du toucher peut fournir des informations complémentaires sur le vin, allant au-delà des perceptions olfactives et gustatives » explique son créateur.

Alors non, il ne s’agit pas de plonger les doigts dans un verre mais de créer une liaison sensorielle entre le palais, en « mâchant le vin », c’est-à-dire en le faisant rouler en bouche et le doigt à l’aide d’un kit composé de huit étoffes de différentes textures qui va permettre de caresser le vin : « Ça va permettre de mieux percevoir les caractéristiques intrinsèques du vin, d’identifier la texture de surface (doux contre rugueux), l’épaisseur (consistance), la souplesse (rondeur) et la sensation thermique (chaud ou froid). Le but est de mettre la bouche à portée de main en matérialisant ce que l’on goûte ». S’il est évident pour tout le monde que la soie et le velours n’ont pas la même texture, l’étoffe va permettre de discerner cette différence au sein même des capteurs de la bouche et de créer le lien avec le toucher. Pour Cyrille Tota, outre une façon nouvelle de découvrir le vin, il s’agit aussi de démocratiser le discours : « Ce n’est pas un connaisseur qui va expliquer quelles sont les propriétés d’un vin mais le goûteur qui va établir sa propre relation ». Et la méthode fonctionne : « On travaille toujours avec des tissus noirs numérotés pour ne donner aucune information au cerveau et 74% des gens complètement à l’aveugle donnent les mêmes numéros ».

Du vin au terroir

Aujourd’hui, Cyrille Tota travaille avec de grandes écoles de dégustation en France et à l’étranger, collabore avec des groupes importants comme Pernod Ricard, forme également les formateurs de l’École des vins de Bourgogne et propose des ateliers de « team building » en présentiel ou en visioconférence. En 2017, il complète sa formation avec un diplôme en « vin, culture et œnotourisme », pour « intégrer une approche sensorielle dans les structures touristiques ». Une technique particulièrement pertinente pour les vins de Bourgogne et leurs climats : « Plus les vins sont des vins de lieu, plus on est sur la volonté de mettre en avant le toucher du lieu, c’est-à-dire le toucher qui est propre à une parcelle ». ■