Couleurs Leroux, l’art en tube

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C’est à Joigny, au cœur des Couleurs Leroux, que Marcel Reynaud perpétue un savoir-faire ancestral et exigeant : la fabrication de peintures haut de gamme destinées aux artistes. Alliant tradition et innovation, il a transformé cet atelier en une référence incontournable du secteur, tout en préservant l’authenticité et l’ambiance chaleureuse d’une entreprise familiale.

La manufacture de Couleurs Leroux s’inscrit dans une longue tradition de l’artisanat des Beaux-Arts. Fondée il y a plus d’un siècle, en 1910, elle a traversé les générations tout en

maintenant un savoir-faire d’exception. Spécialisée dans les peintures artistiques extra-fines, l’entreprise a toujours misé sur une sélection rigoureuse des pigments.

L’histoire prend un tournant majeur en 1998, lorsque Marcel Reynaud, alors simple client passionné par les couleurs et la précision des nuances, décide de reprendre l’atelier. Artiste peintre dès son plus jeune âge, il utilise déjà les pigments de la maison depuis des années et connait la réputation de l’enseigne. Lorsqu’il apprend que l’atelier pourrait cesser son activité faute de repreneur, il n’hésite pas à se lancer dans cette aventure. « J’ai toujours été fasciné par les nuances et la puissance des pigments. Reprendre cette maison, c’était une manière de sauvegarder un patrimoine unique et d’assurer sa continuité », confie-t-il.

Aujourd’hui, les Couleurs Leroux figurent parmi les rares ateliers de fabrication de peinture haut de gamme dans le monde. On en compte moins d’une dizaine, répartis principalement entre la France, l’Italie, l’Allemagne et quelques-uns au Japon et aux États-Unis. Un marché qui reste l’apanage de la production artisanale, entièrement dédiée au secteur exigeant des Beaux-Arts.

L’excellence d’un savoir-faire

Chaque couleur est le fruit d’un processus rigoureux. Tout commence par la pesée précise des pigments, issus des quatre coins du monde ou directement extraits des terres bourguignonnes. Mélangés avec de l’huile de lin ou d’œillette selon la nature du pigment, ces derniers passent ensuite par une étape essentielle, le broyage. « Certaines couleurs nécessitent une heure de broyage, d’autres jusqu’à trois heures, comme le bleu lapis-lazuli, issu d’une pierre semi-précieuse », explique Marcel Reynaud. Une fois la pâte obtenue, elle est conditionnée en tubes de différentes tailles avant d’être étiquetée et prête à rejoindre les palettes. L’objectif est de garantir une texture homogène, une excellente tenue dans le temps et une intensité de couleur qui ne s’altère pas. Chaque lot de peinture est ensuite testé afin de respecter les standards de la maison. Ici, pas question de sacrifier la richesse pigmentaire pour réduire les coûts. « Dans l’univers des Beaux-Arts, l’appellation ‘extra-fine’ signifie que la peinture contient au moins 51 % de pigments. Chez nous, nous allons bien au- delà pour garantir une pureté et une intensité de couleur inégalées », précise le maître des lieux.

Une manufacture au service des artistes

Si les Couleurs Leroux attirent de nombreux professionnels, elle séduit également les amateurs éclairés. Les nuances disponibles sont variées, couvrant une large palette de teintes allant des plus classiques aux plus audacieuses. Chaque couleur est pensée pour offrir des possibilités infinies de mélange et de superposition, permettant aux artistes d’explorer librement leur créativité.

L’atelier propose également un accompagnement personnalisé pour ses clients. « Nous conseillons les artistes sur les spécificités de nos peintures, les associations possibles entre pigments et liants, ainsi que sur l’évolution des couleurs dans le temps », ajoute Marcel Reynaud, un service qui fait toute la différence et qui contribue à fidéliser une clientèle intransigeante.

Par ailleurs, la maison Leroux travaille avec des restaurateurs d’art et des musées pour reproduire fidèlement des pigments, utilisés notamment dans la restauration de tableaux anciens.

Aujourd’hui, les Couleurs Leroux exportent leurs produits à travers le monde. Si la vente directe aux artistes reste une priorité, l’entreprise développe progressivement un réseau de distributeurs dans certains pays, afin de répondre à la demande grandissante. L’atelier mise sur une approche raisonnée de la croissance, privilégiant la qualité et l’authenticité à la production de masse. Un perfectionnisme qui a permis aux Couleurs Leroux de figurer dans les palettes de nombreux artistes de renom : Salvatore Dali, Eugène Leroy… mais aussi des peintres contemporains, des restaurateurs d’œuvres anciennes et des illustrateurs. Le marché des Beaux- Arts étant en constante évolution, l’entreprise jovinienne continue d’adapter ses produits aux besoins actuels tout en restant fidèle à sa philosophie d’excellence.

« Ce qui me motive
c’est la passion pour la couleur »

Pour garantir des prix justes, l’atelier fonctionne en circuit court, vendant directement aux peintres, sans intermédiaires : « Si je le voulais, c’est dans 600 magasins que mes peintures seraient distribuées aujourd’hui. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse. Ce qui compte pour moi, c’est la relation avec les artistes, la transmission d’un savoir-faire et le respect de la matière, explique Marcel Reynaud. Je ne suis pas un entrepreneur. Je suis un artisan qui veut que chaque couleur soit parfaite, que chaque tube raconte une histoire et perpétue une tradition. Ce qui me motive, c’est la passion pour la couleur et l’envie de partager ce savoir avec ceux qui en ont besoin », conclut-il.

Tout en restant fidèle à son héritage, Marcel Reynaud explore de nouvelles voies. « J’ai repris l’atelier Leroux il y a 27 ans maintenant et en ce laps de temps, j’ai ajouté 27 couleurs au répertoire et je compte bien continuer sur cette lancée », confie-t-il.