Ô mon pays

Nous sommes les champions incontestés de l’autoflagellation. Pas assez de si, trop de ça… Il suffit de s’éloigner du territoire pour se rendre compte à quel point l’autochtone que nous sommes est
finalement injuste avec lui-même. Il y a quelques années, alors que nous prenions un verre sur une terrasse de Calvi, mon épouse et moi, le propriétaire du troquet, un vieux Corse à qui « on ne la faisait pas », nous demanda de quelle région nous étions originaires. Je lui répondis, amusé, et sur un ton goguenard (ou presque) : « De l’Yonne, vous connaissez ? ». Et c’est peu dire, qu’il en avait une vague idée, le bougre… Pendant 30 minutes, devant nos mines incrédules, il nous félicita de vivre dans un si beau « pays », raconta les vins qu’il aimait tant, évoqua les paysages de l’Avallonnais, les rues d’Auxerre et son admiration pour Guy Roux… bref, moi qui venais de tomber sous le charme de l’Île de Beauté fut rappelé à mes amours originelles. « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. » Cette citation, souvent attribuée à Talleyrand et dégainée à l’envi par les responsables politiques lorsqu’il leur est nécessaire de se dédouaner d’une situation fâcheuse ou d’un bilan mitigé, nous devrions parfois l’appliquer à notre territoire. Si seulement nous cessions de regarder le verre à moitié vide.

À Chablis, est élaboré le plus célèbre et le plus fameux de tous les vins. À Sens a été érigée la première cathédrale gothique. Auxerre, ville d’Art & Histoire comme Joigny d’ailleurs, est internationalement connu pour son club de foot. À Vézelay trône fièrement l’un des lieux les plus sacrés de la chrétienté. À Guédelon se déroule depuis plus de 20 ans une expérience unique au Monde. À Migennes, Johnny Hallyday a signé son premier contrat professionnel (oui, bon mais quand même…) Debussy, Colette, Romain Rolland et Éric Cantona (on ne touche pas au King !) sont intimement liés au département. Nous avons des entreprises remarquables dans des secteurs aussi divers que l’aéronautique, l’automobile, l’agroalimentaire, le tourisme, la viticulture – je vous invite par ailleurs à lire l’article d’Antoine Gavory sur l’innovation dans ce domaine -, le numérique… Des formations d’excellence. Des écosystèmes prometteurs qui se mettent progressivement en place. Certes, tout n’est pas tout rose et beaucoup reste à faire dans les secteurs de la santé, de la culture, de la mobilité ou encore de l’attractivité. Mais bon sang de bois ! L’Yonne est un magnifique territoire aux atouts indéniables et nous ne faisons que regarder ailleurs. « Après cela, on s’étonne que les vieilles gens rabâchent », écrivait Hugo. Et que moi je me répète.

Stéphane Bourdier